Ardeche Sports Nature : site officiel du club de randonnee de Saint-Félicien - clubeo

27 avril 2018 à 22:30

Cap au sud : A nous l'Hallu Nulle

Inédit dans la vie d'Ardèche Sports Nature, la section FFCAM a pris le large pour un bain d'air iodé, de clapotis des vagues, et une bonne bronzette au soleil. Bon, OK, dis comme ça, on cherche le sport dans ce discours. Mais point de farniente, au programme, une grande voie dans le milieu paradisiaque des Calanques de Marseille.

Au choix, nous avions du canyon dans le Bugey, une course d'arête ou des grandes voies dans le Vercors, ou enfin une grande voie dans les Calanques. Au vu des prévisions météo, nous avons pris la dernière option. La décision est un peu prise à l'arrache, l'organisation n'est pas toujours notre fort. Seule certitude, l'heure du rendez vous, 7h tapante chez l'autre Damien, sans trop savoir quand nous allons rentrer ni même si nous allons passer la nuit suivante dans notre lit où je ne sais où.

Nous prenons donc la route assez rapidement, Massilia, la cité phocéenne n'est pas toute proche tout de même. Le temps est au beau fixe en cette heure matinale, les montgolfières sont toujours de la partie dans les cieux, et la vue plongeante sur la Vallée du Rhône toujours aussi esthétique. Arrivée au péage de Tain, porte d'entrée de notre véritable liberté, Damien me fait le coup du porte-feuille oublié. Pas le temps de faire demi-tour, il vivra à crédit durant 2 jours. Le petit espoir d'avoir oublié qu'il l'avait rangé dans son paquetage sera vite anéanti quand Véro m'envoie un texto me disant d'indiquer à son tourtereau qu'il a oublié son porte-feuille. Trop tard, nous nous en sommes rendu compte, et nous voguons plein sud en toute insouciance.

Une nappe de brouillard temporaire teintera le trajet au niveau d'Orange, nous rendant la visibilité sur la forteresse de Mornas difficile, mais passé l'embranchement entre Marseille et Montpellier, c'est de l'histoire ancienne. Les km défilent, et en un peu moins de 3h nous atteignons l'entrée de la 2ème plus grande ville de France. Après le sport, c'est la nature que nous cherchons dans notre énoncé. Mais Marseille a cette faculté de littéralement changer de visage en quelques hectomètres, nous perdant dans la garrigue chère à Pagnol sans avoir le temps de s'en rendre compte.

La deuxième épreuve de la journée résidera donc dans l'atteinte de notre point de stationnement, à savoir la calanque de Sormiou. Pour cela, nous ferons appel à l'application Waze qui nous évitera de longues et interminables minutes de jardinage entre le Vieux Port et la Bonne Mère. Au petit détail près que le GPS ne capte pas sous les tunnels, et il y en a quelques uns pour s'extriquer du centre urbain. Cela nous aura valu quelques coups de guidon à la dernière minute, juste le temps au GPS de retrouver ses esprits à la sortie du tunnel. C'est donc après avoir longé les ports de Marseille, enchainé les tunnels et énuméré la liste des boulevards de la cité Phocéenne que nous approchons du but. Damien trouvera 2 petits roros histoire de s'acheter le pain pour le sandwich du midi, et il nous reste plus qu'à suivre les panneaux indiquant Sormiou. Waze indique une autre route, nous lui faisons confiance, mais à tord puisqu'il nous emmène dans un lotissement du même nom. Nous repartons comme les panneaux nous l'indiquaient, pour se casser le nez sur une barrière à l'orée de la pinède, bien gardée par une armée d'employés faisant la police pour ne laisser rentrer que les ayants droits.

Renseignements pris, nous n'aurons le choix que de terminer la route à pied jusqu'au vallon de Sormiou. 50 min d'après les gardiens du temple. Point à noté  pour le futur, c'est que la barrière est ouverte jusqu'à 8h. Cela nous aurait obligé à un départ inhumain, mais c'est à noté en vu d'une organisation  différente si nous devions reproduire l'expérience. Quel dommage d'être dans un lieu si sauvage et d'être cantonné à une marche d'approche sur du bitume. Un petit check de la carte nous montre que nous pouvons couper par des sentiers, chose que nous ne tardons pas à exécuter. Je m'interroge alors sur le fait de devoir monter pour atteindre la mer censé êtree au plus bas. Les Calanques sont loin d'être plates, et il nous faut passer le Col éponyme à la calanque avant de basculer en direction de celle-ci. De là haut, la vue plonge sur cette anse à l'eau turquoise, invitant déjà à la baignade malgré la fraicheur matinale. Le sentier permet de couper les épingles de la route d'accès. La pente y est soutenue, et jonchée de rochers rendant le cheminement plus technique. Mais la balade n'en est pas moins agréable. La période est idéale pour découvrir ce site. Les chaleurs caniculaires n'ont pas encore débutées, laissant la végétation exposer sa splendeur. Autour de nous, genêts, ciste blanc et ciste à feuilles de sauge éclatent après ces dernières journées pré-estivales. Allez savoir pourquoi, le ciste blanc a des fleurs mauves et le ciste à feuilles de sauge les a blanche. Mystère de clé de détermination florale.

Une fois en bas, le véritable travail commence. Il faut dans un premier temps atteindre le départ de notre voie, à savoir l'Hallu Nulle situé sur l'archipel de la calanque. Pour cela, il faut trouver le sentier balisé en noir. Nous interrogeons d'autres grimpeurs dans l'espoir qu'ils soient mieux équipés que nous, avec un petit topo chipé sur Internet mais loin du détail nécessaire pour ce type de sortie. Fort heureusement, ils ont une carte du massif et nous y retrouvons rapidement le sentier recherché. Il nous faut maintenant franchir le col de Lui d'Aï. Le sentier  est technique et glissant, surtout en sandales.Nous remontons ainsi toute la calanque, pour atteindre le Col, porte  d'entrée vers l'immensité de la Méditerranée et les îles de Riou, Calsereigne et Jarre en toile de fond.

De là, fin de l'itinéraire balisé. Il va falloir y aller à l'instinct, pour approcher du départ ce qui n'est pas forcément pour me rassurer. Le semblant de sentier qui s'en suit est escarpé, et il faut être vigilant à chacun de ses pas, sous peine de dégringoler vers un gros plouf dans la grande bleu quelques dizaines de mètres en contrebas. Ca glisse par moment, quelques pas d'escalade sont à franchir, et nous avançons à tâtons vers ce que nous pensons être le but. Nous rencontrons un couple de vieux briscards de l'escalade, et Damien en profite pour demander son chemin. Fort heureusement, ils sont équipés du topo d'escalade, Eux. Certainement l'expérience. Nous sommes dans la bonne direction, le départ est juste après. Une cordée de 3 grimpeurs nous précède, ce qui va nous permettre de les suivre en cas d'égarement sur la voie.

Au dessus de nous, l'immensité de la falaise haute de près de 150 mètres m'impressionne pour le moins. Le départ est réellement en contre bas, qu'il nous faudra atteindre via une rapide désescalade. Le premier groupe est en train de faire le brief d'avant course. Il est midi, nous sommes réveillés depuis 6h, nous prenons la décision de manger avant d'attaquer, ne sachant trop quand serait la prochaine possibilité. Cela laisse le temps aux autres de s'élancer.

Le casse croûte rapidement avalé avec une vue 5*, place à l'équipement. Chaussons, baudrier, mousquetons, dégaines... Nous n'avons rien oublié cette fois. Un petit coup de crème solaire, car ça tape dur dans le quartier. Nous faisons les noeuds d'encordement des 2 cordes, et Damien s'élance à l'aveugle dans ce pas de désescalade avec guère de possibilité de s'accrocher à la falaise. Fort heureusement, le passage est assez simple, mais à négocier avec prudence tout de même. En bas, une petite échancrure dans le rocher avec un peu d'ombre offre un lieu paradisiaque loin de l'affluence, bercé par le clapotis de l'eau qui vient se heurter au pied de la paroi, et quelques poissons longe côtes venus nous épier. Je pencherais pour des loups (ou bar pour l'atlantique), mais sans réelle connaissance de la faune marine. Damien penche pour des requins, mais je crois pouvoir assurer qu'il se trompe.

Hop, il est temps maintenant d'attaquer l'ascension. Une petite traversée latérale est à franchir avant d'entamer le vif du sujet. Le passage est des plus agréables et rassurant, avec de belles prises pour se familiariser avec le rocher qui semble bien adhérant. Damien passe rapidement la première longueur. Je chercherais pour ma part mon chemin à un moment, mais tout se passe sans encombre. Sur la deuxième longueur, nous sommes bloqués par nos prédécesseurs. Difficile de doubler, il faut donc prendre notre mal en patience. La vue est toutefois agréable. Nous admirons le balai des embarcations de toute taille en guise de sieste digestive. La température monte, et, sur ces rochers, le mercure monte à vue d'oeil et nous donne un bon coup de chaud. La cordée précédente arrive enfin en haut, nous pouvons nous remettre en route. Damien grimpe comme un chamois. J'y vais plus prudemment, mais surement. La troisième longueur est la plus dure. C'est pour cela que nous avons du attendre un moment d’ailleurs. Damien s'y élance toujours en tête. Je me sens pas vraiment près à voler de mes propres ailes. Je ferais bien, le passage du piton rocheux m'a créé quelques problèmes en moulinette, je me serais alors retrouver en bien mauvaise posture en tête. 2/3 fois, je me retrouve pendu au bout de la corde, ne trouvant pas la solution. J'essaie de contourner le problème, et me voici en haut.

Damien me propose d'y aller en tête ce coup ci. J'y vais, mais j'ai peur. Nous avons maintenant pris de l'altitude, et le vide sous nos pieds commence à peser son pesant de cacahuètes. De plus, un air marin s'est levé, me déstabilisant encore plus. Faut dire que je n'ai pas beaucoup de pratique depuis le début de la saison. Je me retrouve à bien tâter le terrain à chaque dépassement de point d'assurage.J'ai vraiment du mal à me détendre et me hisser plus haut. Je me pose même la question de redescendre et laisser Damien repartir en tête. Je persévère toutefois, et atteint enfin l'antépénultième relais. De là, il faut que je me remémore la procédure pour se fixer à la paroi avant d'assurer Damien. Je galère avec le sens de l'assureur, et parvient à mes fins au bout de quelques minutes de combat. Pression ultime, être vigilant de ne rien laisser tomber à la mer, sous  peine de situation bien inconfortable à venir.

Pour le relais suivant, bien que plus facile, je redonne la main  à Damien. Le précédent m'a  un peu coupé la chique. Il s'agit pourtant plus d'une randonnée alpine qu'autre chose. Seul point de vigilance à avoir, quelques blocs pas du tout stables à éviter donc. Nous voici devant la dernière longueur. Damien tient à me laisser repartir en tête. Je lui demande la cotation, et elle est un cran au dessus de celle qui m'a fait sué. Nous sommes en plus  maintenant en haut de la falaise, l'impression de vide y est alors totale. Après quelques secondes d'hésitation, je tente ma chance, avec comme porte de sortie de pouvoir redescendre si cela se passe mal. Faut juste que cela m'arrive sous un point d'assurage, sous peine de devoir se jeter dans le vide, chose dont je n'ai pas du tout envie. A la surprise générale, je me sens tout de suite beaucoup plus à l'aise. De belles prises me tombent spontanément sous la main,, et j'enchaine mes pas sans trop galérer, me hissant au sommet sans avoir le temps de crier ouf. Je suis plus efficace également dans la pause du relais sommital, et invite rapidement Damien a attaquer. Ce ne sera que formalité pour lui, évidemment. Quelques pas de marche sans être assuré nous permettent d'atteindre finalement la ligne de crête, séparant la calanque du large. Le panorama y est alors grandiose. Quelques nuages voilent le soleil et font baisser drastiquement le thermomètre. Il est déjà 16h, et nous avons passé + de 3h dans la voie tout de même. Compliqué d'enchainer sur une seconde, d'autant que les petons ont un peu souffert dans l'étroitesse des chaussons.

Une rapide étude du chemin pour redescendre, et nous voici chevauchant cette crête vertigineuse où le faux pas est interdit. Damien, équipé de baskets, se verra beaucoup plus à l'aise et efficace que moi en sandales. Quelques glissades sur les cailloux roulant dans la pente, mais nous arriverons au pied de la calanque sans encombres. Malgré les quelques nuages, la tentation est trop forte d'aller piquer une tête. La plage est bondée de vacanciers qui se sont donnés le mot pour ne pas louper le rendez-vous de cette belle journée. Nous trouvons une petite place. Damien a laissé son maillot dans la voiture. Il se contentera d'un bain de pied. Pour ma part, je l'ai sur moi depuis le petit matin. Je me déshabille et me jette immédiatement à l'eau. Elle n'est pas si fraiche que cela. La pente est très douce, ce qui permet de marcher dans l'eau sans être totalement immergé de suite. Arrivée au niveau d"eau atteignant ma taille, je plonge complètement. Je fais quelques brasses, pose pour la photo de Damien, et revient sur le rivage, c'est pas la canicule non plus.

Nous prenons un petit goûter contemplatif devant ce paysage de rêve, avant de prendre la décision de regagner la voiture. C'est qu'il faut remonter ce col de Sormiou qui parait beaucoup plus impressionnant et raide de ce côté là. La plupart des personnes privilégient la route bien moins raide, mais beaucoup plus longue. Nous nous interrogeons tout de même sur les critères d'acquisition des laissers passer, de nombreuses voitures sont présentes, et avec des plaques autres que celles des Bouches du Rhône. Une bonne suée nous titillera, mais le sommet sera atteint assez rapidement somme toute. Encore  quelques minutes de marche sont à avaler à la descente désormais pour retrouver la voiture. La ville de Marseille est désormais en vu, ce qui est assez surprenant alors que nous sommes encore dans la garrigue.

Arrivés à la voiture, nous faisons un rapide point sur la suite des opérations. Nous avons la journée du lendemain encore à nous, la météo semble bonne, et nous avions évoqué l'exploration d'un autre site d'escalade dans les Gorges de l'Ardèche cette fois ci. Nous reprenons donc la route dans cette direction, avec pour escale un logement chez l'habitant pour passer la nuit à l'abri, dont nous tairons l'adresse pour ne pas se faire piquer le bon plan hihihi.

Majestueuse, magique, paradisiaque, les superlatifs ne manquent pas pour décrire ce massif des Calanques. La nature nous dévoile une fois de plus l'étendue de son talent à sculpter des paysages tous plus différents les uns que les autres, mais réussissant toujours à nous surprendre. L'instant était parfait, et le sentiment de privilège de se retrouver pendu au bout de cette corde là où la plupart du commun des mortels n'y a pas d'accès permet d'en apprécier d'autant plus la saveur. Merci une nouvelle fois à mon guide de nous permettre de vivre ses émotions, sans qui l'accès serait pour ma part bien utopique. On en redemande, on en reveut, et nous espérons vous avoir permis un instant d'évasion au travers de ce récit. La suite dans les Gorges de l'Ardèche très prochainement. Il y aura de l'imprévu, comme toujours, mais le point commun est à nouveau un paysage de rêve.

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